« Chez Adyma, on a réussi à maintenir le lien avec les résidents âgés malgré le confinement »

16 juillet, 2020 | | Lutter contre l'isolement des personnes âgées |

Entretien avec Yannick Manet, enseignant en activité physique adaptée et fondateur de l’approche Adyma.

Yannick intervient sur plusieurs établissements pour personnes âgées à Villeurbanne depuis 10 ans. Il nous explique par quels biais il a réussi à maintenir le lien avec les bénéficiaires du programme ADYMA pendant le confinement.
Le confinement a-t-il porté un coup d’arrêt brutal aux activités Adyma ?
Oui, au début complètement. Les établissements se sont fermés d’un seul coup. Mais comme j’avais les numéros de toutes les personnes que j’accompagne, j’ai pu continuer à entretenir des liens au téléphone. J’ai appelé en priorité les personnes que j’accompagnais individuellement, mais j’ai aussi téléphoné à tour de rôle à chacun des participants au programme pour évaluer leur mobilité pendant cette période d’isolement forcé.
Les gens étaient-ils contents de vos appels ?
Oui ! Ils s’ennuyaient facilement, ils avaient encore plus de temps et devaient construire leur emploi du temps de la journée tout seuls. Mes coups de fil les distrayaient, et surtout leur amenaient une certaine ouverture sur l’extérieur.
Comment avez-vous maintenu le lien avec les personnes que vous suiviez ?
Je leur demandais ce qu’ils mettaient en place par rapport à leur mobilité. Je les encourageais à maintenir une activité physique. Pour cela, j’ai conçu des fiches de pratique que j’ai envoyées aux résidences. Une personne par résidence était missionnée pour les distribuer, soit dans les boites aux lettres, soit en libre accès à l’accueil. Au téléphone je les encourageais à utiliser ces fiches. Si la résidence le permettait, je leur conseillais de sortir dans le jardin, et de profiter de l’heure d’activité extérieure autorisée. Ces temps étaient propices à la pratique physique, et fournissaient un petit périmètre de marche. En respectant les mesures barrière bien-sûr !
Quelles ont été les réactions des résidents ?
La plupart étaient très heureux de mes appels et ont plus ou moins suivi les fiches pratiques. J’avais adapté les exercices aux différents moments de la journée : matin, début d’après-midi, soirée… J’ai eu beaucoup de retour sur les exercices, ceux qui les avaient aidés, ceux qui les avaient mis en difficulté… Certains m’ont même demandé des fiches pratiques personnalisées !!
Parlez-nous du robot : comment est-ce venu à l’ordre du jour ?
Patricia B., directrice de résidence autonomie à Villeurbanne, m’a proposé d’utiliser ce robot prêté par la région, pour que je puisse mettre en place une continuité des activités ADYMA. J’ai mis une bonne semaine à réussir à prendre son contrôle via mon ordinateur. Puis, lorsque je me suis senti prêt, j’ai planifié des entretiens « robotisés ». Là encore, j’ai choisi les personnes que je suivais en accompagnement personnalisé.
Vous pilotiez le robot à distance ?
Tout à fait ! Je donnais rendez-vous à la personne en salle d’activité, où le robot l’attendait, ou bien je dirigeais le robot jusque chez elle. Je pouvais le conduire à l’aide des quatre flèches de l’ordinateur. J’avais juste besoin que quelqu’un m’appuie sur le bouton de l’ascenseur. Pour toquer à la porte des gens, je leur téléphonais, tout simplement, et leur demandais d’ouvrir la porte au robot !
Quelles ont été les réactions des résidents au contact du robot ?
La surprise ! Qui se dissipait assez rapidement. Dès que mon visage apparaissait sur l’écran géant, c’était le plaisir de se retrouver. Ensuite j’interagissais comme si j’étais présent. À travers le robot j’ai la vision et l’audio, je suis en direct, c’est assez instantané. Cela me permettait de faire des séances individuelles, et même collectives lorsque les mesures se sont assouplies. Les résidents se retrouvaient à 4 en salle d’activité face au robot, où nous faisions une activité plutôt immobile pour éviter les vecteurs de propagation.
À partir du 11 mai, les séances en présentiel ont-elles pu reprendre ?
Oui, mais à l’extérieur pour certaines résidences. Au sortir du confinement, j’ai trouvé certaines personnes apathiques, fatiguées, apeurées. D’autres à l’inverse éparpillées, en colère, agitées… Le robot palliait le manque de personnes en présence. Il atténuait les effets de l’isolement. 2-3 jours après avoir eu un rendez-vous avec le robot, des personnes m’ont dit « Yannick, j’ai vraiment l’impression que tu es venu me voir ! ». Cela permettait aussi d’alerter sur la détresse ou les souffrances de certaines personnes. Mais si le robot a pu pallier pendant un temps, au bout d’un mois les gens réclamaient ma présence en vrai. Aujourd’hui, après 2 mois en présentiel, nous avons enfin retrouvé un rythme, des rendez-vous réguliers où les gens prennent soins d’eux par la mobilisation en activité physique. Je les retrouve, ils ont retrouvé de l’élan !